L'Embrunais au coeur des Hautes-Alpes
La montagne crée souvent une forte diversité de paysages, de conditions environnementales et de modes de vie. Si les Hautes-Alpes, grâce à leur situation géographique notamment, présentent des spécificités marquées (en termes de climat par exemple), l'Embrunais se distingue encore au coeur de cet ensemble par quelques caractéristiques particulières. Les lignes qui suivent vont essayer de vous en donner un avant-goût...
Sommaire
Quelques spécificités géographiques...
L'Embrunais est un pays fortement structuré par la vallée de la Durance, ici assez large et d'orientation générale E-NE/O-SO. Cette configuration crée des adrets (versants sud) et des ubacs (versants nord) bien marqués et généralement très ouverts. Ainsi, les horizons embrunais sont souvent vastes. En bordure de la vallée de la Durance, la ville d'Embrun occupe une ancienne terrasse fluvio-glaciaire qui domine du haut d'une falaise de 80 mètres la plaine du Roc et le cours d'eau.
La vallée de la Durance marque la limite sud du massif des Ecrins, qui culmine pour ce qui concerne l'Embrunais à 2900 mètres environ. La partie centrale du massif, 30 km plus au nord, atteint 4102 mètres au sommet de la barre des Ecrins.
Au sud de la Durance, le chaînon du Parpaillon marque la limite avec les Alpes de Haute-Provence. Les versants aux formes généralement arrondies prennent cependant parfois des allures très alpines, comme au Pouzenc, à la Montagnette ou au Morgon. Ce massif culmine à 2990 mètres au Grand Parpaillon.
Plusieurs vallées secondaires compliquent la configuration du territoire, comme celles des Orres, de Crévoux, de Réallon ou de Boscodon. Elles donnent elles-mêmes accès à de nombreux vallons parfois très sauvages et peu parcourus.
En altitude, les vastes alpages procurent une importante réserve en herbe estivale: des troupeaux (venant des communes alentours et parfois de beaucoup plus loin) profitent de cette richesse dès le début du mois de juin et jusqu'à fin octobre. Les placages morainiques parfois épais jouent le rôle d'"éponge" et maintiennent d'importantes réserves en eau une grande partie de l'été, bien après que les dernières neiges aient fondu et même si la saison est sèche. Les ovins sont majoritairement représentés bien que plusieurs alpages soient occupés par des vaches allaitantes (Chargès notamment).
En hiver, ces espaces deviennent de vastes étendues de neige, fréquemment parcourues d'avalanches dans les parties raides; les cumuls de chutes de neige y atteignent fréquemment plusieurs mètres. Quand la neige est stabilisée, ces secteurs deviennent d'immenses terrains de balades pour les raquettistes et skieurs de randonnée...
Depuis le début des années 1960, la présence du lac de Serre-Ponçon, troisième plus grand lac artificiel d'Europe, a élargi la vocation touristique de l'Embrunais en créant une ambiance particulière: de partout en montagne, le randonneur aperçoit ou domine le bleu très particulier du lac. Ce dernier rend très supportable la saison estivale parfois très sèche et chaude !
Courte histoire de l'Embrunais
Sans refaire ici toute l'Histoire de l'Embrunais, quelques éléments me semblent importants pour mieux comprendre le territoire aujourd'hui:
- Le recul des glaces il y a 12 000 à 10 000 ans, qui en libérant la vallée de la Durance, a permis à l'Homme de coloniser lentement le nord des Hautes Alpes. Des fouilles archéologiques ont été menées en vallées de Freissinières et du Fournel notamment ( F.Mocci et K.Walsh), permettant de mieux comprendre l'évolution de l'occupation humaine et son impact sur les paysages depuis cette période.
- Embrun capitale des Alpes Cottiennes sous l'Empire Romain, depuis la soumission de Cottius 1° en l'an 14 jusqu'à la dislocation de l'Empire au V°siècle.
- A l'époque médiévale, la structuration de la féodalité dans l'Embrunais en co-seigneurie. Le puissant archévêque d'Embrun et le Dauphin se partagent pouvoir et rentes. De 1202 à 1349, l'Embrunais et les Hautes-Alpes font partie du Dauphiné, indépendant du Royaume de France.
- En 1349, le rattachement du Dauphiné et donc de l'Embrunais au Royaume de France. Les futurs rois y feront désormais leurs premières expériences de pouvoir.
- Les XVI° et XVII° siècles, marqués par les violences des guerres de Religion, en ces terres à la fois proches du pouvoir ecclésiastique (Archévêché d'Embrun), et propices par leur isolement au refuge des Protestants (comme à celui des Vaudois aux XIII-XIV° siècles).
- La fréquence des passages de troupe et l'importance des fortifications dans tout le nord des Hautes-Alpes, notamment à l'époque de Vauban. Celles-ci rappellent la proximité historique des frontières. Tout près d'Embrun, la vallée de l'Ubaye a été longtemps savoyarde...
- 1713 et le Traité d'Utrecht, qui détache le Piémont (aujourd'hui italien) du Royaume de France mais y rattache l'Ubaye. Embrun n'est plus une frontière à partir de cette date.
- L'ouverture progressive aux échanges au cours du XIX° siècle, avec pour conséquence des modifications profondes des modes de vie. La pomme de terre est introduite dans le département au tout début du XIX°, le désenclavement des vallées secondaires par la construction de routes carrossables se fait tout au long du siècle, et surtout, le chemin de fer est inauguré en 1884. L'exode montagnard commence dans cette période, vers la ville mais aussi vers les colonies d'Afrique du Nord et vers les deux Amériques. Une vaste mise en herbe des cultures s'opère, avec une spécialisation croissante dans l'élevage (qui a toujours été une vocation pour le nord des Hautes Alpes).
- La naissance d'une économie industrielle au tout début du XX° siècle, avec le développement en Haute-Durance de l'hydroélectricité et des industries liées (aluminium notamment). Le tourisme se développe fortement en parallèle, dès la fin du XIX° siècle.
- Entre 1955 et 1961, la modification profonde du visage de l'Embrunais par la construction du barrage de Serre-Ponçon. Le lac qui naît alors donnera une vocation touristique estivale nettement plus marquée à la région.
- L'inauguration de la station des Orres en 1970: tardivement par rapport au Briançonnais et au Guillestrois, l'Embrunais devient aussi une destination d'hiver.
- La naissance du Parc National des Ecrins en 1973, et la création d'un immense espace protégé au coeur des Hautes-Alpes.
- Début XXI° siècle, la prédominance très nette du tourisme dans l'économie. Ce secteur induit du dynamisme (et de la fragilité !) dans tous les autres domaines d'activité: bâtiment, transports, services... La vie à l'année est cependant animée, et l'Embrunais connaît un assez bon dynamisme démographique dû en grande partie au solde migratoire (l'Embrunais comptait un peu plus de 10 000 habitants en 2009. L'agriculture est en recul constant, et l'urbanisation continue à se développer à rythme assez soutenu. La vocation pastorale des terres d'altitude est toujours forte.
Aperçu sur la faune et la flore
Pour ce qui est de la faune tout d'abord, nombre d'espèces typiques des biotopes montagnards se rencontrent dans l'Embrunais; on peut noter toutefois quelques spécificités:
- La relative rareté du bouquetin, qui n'hiverne pas encore dans les vallées embrunaises. Il est rare de le croiser
bien que des populations plus stabilisées se trouvent non loin, notamment dans le Champsaur (réintroductions des
années 1990), dans le Val d'Escreins et
le Queyras.
Pour en savoir plus: comptages et observations du Parc National des Ecrins
- La vigueur des populations de chamois. Pour qui se lève tôt, le chamois est un animal commun dans l'Embrunais !
Mais il est souvent difficile de l'observer en pleine journée: il craint la chaleur estivale et se réfugie à l'ombre des fourrés de vernes ou
à proximité des névés d'altitude.
Pour en savoir plus: fiches techniques du Parc National des Ecrins: chamois, marmottes, etc.
- Le retour progressif du loup. Ici aussi, le grand prédateur est de retour. Des observations et des attaques
de troupeaux ont eu lieu ces dernières années, notamment au Morgon, dans le Grand Vallon aux Orres, au-dessus de Serre
Buzard à Châteauroux... Cependant, aucune zone de présence permanente n'est confirmée dans le Parc
National des Ecrins, même s'il existe des indices d'installation en vallée de Freissinières. Dans le Parpaillon, dans le Briançonnais
et dans le Queyras en revanche, la présence permanentes de meutes est reconnue.
Pour en savoir plus: Cartographie nationale du loup
- La forte augmentation de la population estivale de vautours fauves. Les comptages en vallée de Réallon notamment
(col de la Coupa) font état de rassemblements de plusieurs dizaines d'oiseaux, par ailleurs aisément observables sur
tous les massifs de la région. Charognard, il profite de la présence des troupeaux en altitude durant l'été.
Pour en savoir plus: comptages et observations du Parc National des Ecrins
- Le retour du gypaète barbu,
grand vautour emblématique au corps roux et à la silhouette élancée.
Après différentes campagnes de réintroduction et de premières éclosions
d'oeufs au début des années 2000 en Savoie, la population alpine du
gypaète barbu est en lente extension. Son observation, si elle reste
rare, devient plus régulière sur les massifs du nord des Hautes-Alpes.
Pour en savoir plus: comptages et observations du Parc National des Ecrins
- Chez les gallinacées (famille de... la poule domestique !), une baisse tendancielle de la population
de tétras-lyre, en lien avec le dérangement croissant dans ses milieux de vie (stations de ski notamment), une baisse
des observations de lagopède également (la fameuse perdrix des neiges, blanche en hiver et gris-brune en été), et
une stabilité de la population de perdrix bartavelle. La gélinotte des bois est absente de l'Embrunais.
Pour en savoir plus: cahiers thématiques du Parc National des Ecrins et suivi 2008 de la population de lagopèdes par le PNE.
En ce qui concerne la flore, l'Embrunais et le nord des Hautes-Alpes se distinguent en particulier par la prédominance du mélèze à l'étage montagnard, parfois lié au pin cembro. L'Embrunais abrite aussi quelques très belles sapinières (la célèbre forêt de Boscodon notamment) et de jolies hêtraies, cet arbre se trouvant en limite de son aire de répartition côté Haute-Durance (il devient extrêmement rare dans le Guillestrois et le Briançonnais). Le mélèze reste l'arbre emblématique des Hautes-Alpes, important tant sur le plan économique que pour l'identité paysagère du département !
On trouve une grande variété florale dans les Hautes-Alpes, grâce à la grande diversité des milieux de vie, des écosystèmes: coteaux très secs à aromatiques, pelouses humides ou sèches d'altitude, crêtes rocheuses ventées, combes à neige, forêts d'ubac, etc. Pour citer quelques emblématiques, la Reine des Alpes est présente (belle station dans le Fournel, au-dessus de l'Argentière-la-Bessée), de nombreuses espèces de gentianes colorent les alpages; la très rare bérardie laineuse est relativement commune sur nos crêtes rocheuses, ainsi que l' edelweiss un peu plus bas; l'astragale queue-de-renard forme des populations parfois importantes sur certains coteaux secs (lac de Siguret).
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